Historique de notre fédération d'églises

Les traits caractéristiques des églises Chrischona

Chrischona vient de « Sainte Chrischona », le nom d’un lieu-dit, une colline près de Bâle. Cette colline donne son nom à des œuvres qui s’y sont installées, comme à une clinique, une maison de retraite et notre œuvre missionnaire. La fédération St.Chrischona a été fondé le 8 mars 1840.

Dans les 40 premières années de l’œuvre Chrischona, plus de 60 églises ont été implantées. Pour y parvenir, trois principes étaient d’une importance décisive.

 

  1. Les débuts et leurs défis

 

La seconde moitié du 19e siècle est une période d’énormes défis en Suisse : en 1847, lors de la guerre du Sonderbund, des Suisses combattent des Suisses en Suisse. En 1848, la Confédération suisse est transformée en un État fédéral. Dans les décennies suivantes cet acquis politique devra être digéré, mis en pratique et consolidé. En 1871, « l’armée Bourbaki » française avec 87'000 hommes fuit les Allemands et trouve refuge en Suisse, ce qui engendre d’immenses défis.

L'industrialisation encourage un fort exode rural, un brassage et une croissance de la population. La construction du réseau ferroviaire suisse révolutionne le transport des biens et des personnes. Néanmoins, jusqu'en 1877, et en raison des petits salaires, les femmes et les enfants sont souvent obligé de travailler jusqu'à 90 heures par semaine. C’est une époque de nouveaux départs et d'inventions, mais aussi de pauvreté endémique et de déclin moral.

En 1855 et 1867, la Suisse est frappée par des épidémies de choléra qui, chacune, font plusieurs centaines de victimes. Au XIXe siècle la tuberculose tue chaque année des centaines de milliers de personnes en Europe.

Dans une guerre des cultures, l'influence de l'église sur le nouveau système d'État libéral et laïque est limitée. Dans les années 1870, l'obligation de respecter le symbole des apôtres est abolie dans les églises protestantes officielles. Cela conduit les pasteurs et les croyants qui ne veulent pas de la théologie libérale à prendre leurs distances par rapport aux églises nationales et à fonder de nouvelles communautés dont, en 1872, les premières églises Chrischona.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la foi en Jésus donne, de manière constructive, à de nombreuses personnes la force de faire face aux défis et de saisir les opportunités. Parce qu'elles croient au Christ, leur confiance a un impact sur leurs manières de penser, de parler et d'agir. Ces chrétiens prêchent l'évangile et prêtent main forte partout où c’est nécessaire.

 

  1. Christian Friedrich Spittler, le fondateur de la fédération St.Chrischona

 

Le 8 mars 1840, Spittler, sa fille adoptive Susette et le maître charpentier Epple s'agenouillent en prière dans la petite chapelle en ruine sur la colline « Sainte Chrischona » afin de consacrer cette chapelle pour qu’elle devienne le point de départ de leur start-up.

Il y a au moins trois essais manqués pour fonder une institution missionnaire pour la Suisse. L’idée novatrice de former des artisans dans le domaine de la théologie et de les envoyer comme missionnaires itinérants sera la bonne. Leur mandat : indiquer à tout un chacun le chemin vers Jésus-Christ.

Fidèle à la devise : « Penser globalement et agir localement », Spittler fonde, sur plusieurs continents, une trentaine d'entreprises sociales chrétiennes. Ainsi, à la fin du 19e siècle, Chrischona a des « succursales » au Texas, en Israël, en Russie, en Allemagne, en Yougoslavie, en Éthiopie et en Chine.

La citation suivante montre ce que le touche-à-tout plein d’idées pense de lui-même et de ses projets novateurs : « Le Seigneur a prouvé, par ailleurs, qu'il veut et peut, dans son immense grâce, faire quelque chose à partir de rien, d’absolument rien. »

Il est important pour Spittler que les chrétiens ne se détournent pas de la foi, de l'église et de la Bible. C'est pourquoi Spittler ne cesse de répéter : « Il ne suffit pas que des païens deviennent des chrétiens par l'Évangile ; nous devons également veiller à ce que nos chrétiens ne redeviennent pas des païens ».

 

Malgré les nombreux succès de Spittler, les défis ne manquent pas. Souvent, il n’a pas les fonds pour ses projets ou des autorités ne lui donnent pas le feu vert. À maintes reprises, même des collaborateurs loyaux s’en vont. Sans parler que dans l'église, il y a une pénurie d’ouvriers qualifiés. Spittler n’est pas orienté vers les problèmes, mais vers les solutions : « Nouveau besoin, nouveau soutien » est sa devise. Dans chaque crise, il voit une opportunité dans laquelle la grandeur et le soutien de Dieu peut se manifester.

 

Grâce à son talent d'organisateur et à son sens des relations, Spittler, en tant que secrétaire de la Société missionnaire de Bâle, se construit un vaste réseau de partenaires internationaux et d'alliés ecclésiastiques. Sa correspondance est de quelques 25 000 lettres. Spittler est un chrétien engagé, doté d'un esprit d'entrepreneur, qui se forge des alliances et établi des collaborations dans les églises. « Lorsqu'il rencontre un chrétien authentique, il se moque de savoir s’il est catholique, luthérien ou réformé. » Il y a 200 ans déjà, Spittler critique la fragmentation de l'église et ce désir de rester chacun dans son coin : « Oh ! je veux pleurer des larmes de sang quand des hommes, dont je sais pour sûr qu’ils sont d'accord sur des questions majeures sont en désaccord sur des questions mineures ».

 

Malgré son sens des affaires toujours en action et sa volonté constante d'investir dans de nouvelles start-ups chrétiennes, Spittler est conscient qu'il n'est qu’un « simple ouvrier de Dieu », rien de plus qu’un employé dans le Royaume de Dieu. Il doit sans cesse freiner son enthousiasme afin de ne pas « devancer » les intentions de Dieu.

Christian Friedrich Spittler est un réseauteur doué, un génie de l'organisation et un maître de la collecte de fonds. Il ne cesse de chercher des solutions aux besoins de son époque. L’œuvre à laquelle son cœur sera le plus attachée est la « Pilgermission St. Chrischona », la mission des pèlerins de Sainte Chrischona à Bettingen, qu'il a fondée en 1840.

 

  1. Les débuts en Suisse

 

En 1869, le premier évangéliste est envoyé à Mattwil (TG). En 1871 déjà quatre évangélistes sont actifs dans différentes régions de Suisse. En 1872, Markus Hauser vient à Mattwil pour poursuivre l'œuvre du défunt Wilhelm Baumbach. Il voyage beaucoup et tient des réunions bien fréquentées dans de nombreuses demeures. Puisque les salons dans les maisons deviennent rapidement trop petits, c’est en 1973 que les fidèles de la région construisent à Mattwil la première chapelle Chrischona pour l’accueil de 250 personnes.

 

Les premiers implanteurs d'églises sont appelés « évangélistes » et ils se considèrent comme tels. Ils veulent que les gens entendent le message chrétien de première main. Ils suivent la vision selon laquelle des personnes seront touchées par l'Évangile et répondront à l’invitation de vivre avec Jésus. Le directeur de l’école St.Chrischona Carl-Heinrich Rappard écrit à propos des évangélistes : « Les circonstances exigent qu’ils soient aussi des bergers et enseignants pour ceux qui ont été gagnés à Jésus. »

 

  1. Confesser sa foi en Jésus et en la Bible

 

A l'origine, Rappard ne veut pas former un groupe d’églises Chrischona. Il est convaincu qu'il y a de la place dans l'église protestante nationale pour des groupes d’édification. Jusque dans les années 1870, lorsque, dans les églises nationales, il ne sera plus requis de croire aux affirmations du Symbole des Apôtres.

 

De plus en plus de croyants quittent alors les églises nationales pour se retrouver dans des groupes d’édification qui deviennent, par la suite, des églises Chrischona. Rappard dira plus tard : « Lorsque les représentants de l'Église nationale ont quitté le fondement biblique et ont proclamé un autre Christ que celui des apôtres, les membres de nos communautés ne fréquentaient plus de tels cultes. »

 

Dans des termes tranchants, Rappard déclare : « C'est nous qui restons dans l'église, nous qui tenons ferme à la confession sur laquelle repose l'église : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant". Ceux qui abandonnent le rocher de ce fondement sont le "peuple sans église". »

 

Rappard précise : « Pour résister aux nombreuses tentations de notre temps, il est nécessaire d’emprunter les anciens chemins de la Bible qui sont clairs et éprouvés. Alors on ne s’égarera pas, ni à droite vers l'exubérance sans sobriété, ni à gauche vers la tiédeur et la piété mondaine. »

 

  1. Faire confiance à l'œuvre du Saint-Esprit

 

A la question comment peut-il y avoir un réveil, le directeur Rappard répond : « Si les enfants de Dieu se mettent en action, si nous nous repentons sincèrement, si nous nous laissons purifier, et si l'esprit de prière s’active en nous, Dieu répondra. » Ce qui le conduit à la question suivante : « Pourquoi la parole de Jésus ne s'accomplirait-elle pas, celle qui dit que celui qui croit en lui, des fleuves d'eau vive [le Saint-Esprit] couleront de lui ?

 

Puis encore : « Ce dont nous avons besoin si nous voulons vivre des temps de réveil, ce ne sont pas (avant tout) de nouvelles méthodes et paroles, mais des gens remplis de l'Esprit, dans le cœur desquels brûle le feu du Seigneur et qui, par conséquent, répandent ce feu sacré. ... Nous devons nous laisser utiliser par le Saint-Esprit comme ses instruments et devenir aussi dociles dans la main de Dieu que l’est la plume dans la main de l’écrivain... afin que, lorsque le Seigneur nous y pousse, nous puissions franchir les barrières des coutumes traditionnelles.

 

  1. Carl-Heinrich Rappard, le directeur spirituel développe la fédération

 

Après 37 ans à la tête de l’œuvre Chrischona et quelques semaines avant sa mort, Rappard inaugure en Thurgovie le 62e local d’église. Cela fait de Carl-Heinrich Rappard le père spirituel de notre mouvement.

 

Cette explosion du nombre d'implantation d'églises est due à une crise profonde dans la vie de dirigeants chrétiens, dont Rappard. Il cherche la bénédiction de Dieu et est prêt à tout pour que Dieu puisse œuvrer. Il souffre de voir des chrétiens indécis et tièdes. Il prie régulièrement à genoux devant Dieu et souhaite l’intervention du Saint-Esprit.

 

En 1874, il assiste à la Conférence de réveil d’Oxford. 3’000 participants y recherchent un renouvellement intérieur. Bien que la plupart d'entre eux sont déjà des chrétiens engagés, ils ont le désir intérieur de vivre quelque chose de différent.

 

Après une intense période de conférence invitant à la consécration et la repentance, Rappard vit une nuit mémorable : « Je peux témoigner avec joie qu'une fois, dans mon lit, pendant plusieurs heures de la nuit, je ne pouvais rien faire d'autre que de chérir dans mon cœur le doux nom du Père. ⦋…] Cette paix qui était absente depuis le premier amour, ou que nous n’avions peut-être jamais connue auparavant, remplissait les cœurs avec un sentiment de bonheur résultant de la proximité d'un Dieu réconcilié. »

 

Riche de ces précieuses découvertes, Rappard revient en Suisse, où il organise des événements similaires à Sainte-Chrischona. Cela suscite parmi les étudiants une nouvelle dévotion et un renouveau.

 

Les récits que Rappard fait de ses expériences ouvrent des portes dans toute la Suisse. Un réveil spirituel s'empare de beaucoup, chrétiens et non chrétiens. Il est l'un des premiers à organiser des rencontres d'évangélisation à Bâle. En 1875, il loue pour quelques jours un vieux chapiteau de cirque. Il conduit de nombreuses personnes à une foi vivante et débute une intense activité de voyage en tant qu'évangéliste, en Suisse et dans toute l'Europe.

 

Ce mouvement de renouveau, combiné à des activités d'évangélisation dans toute la Suisse, conduit à un réveil spirituel. Non seulement Rappard, mais aussi d'autres dirigeants et pasteurs vivent un renouveau et en parlent. La consécration, le renouvellement de l’œuvre du Saint-Esprit sont le point de départ d'un vaste réveil en Suisse. De nombreuses églises sont implantées. Dont les églises Chrischona, d'abord en Thurgovie, puis dans l'ouest de la Suisse et en Argovie.

 

Pourquoi un tel renouveau peut-il naître à cette époque ? Rappard donne un indice qui reflète bien le sentiment d’alors. Il écrit au sujet de ses débuts dans le ministère, avant même qu'il ne fasse l'expérience du renouveau intérieur à Oxford : « Je suis convaincu que des milliers de chrétiens convertis me comprendront quand je dis que je me languissais de la sanctification intérieure, et cela depuis ma conversion au Seigneur et une période de dix ans dans le ministère en tant que témoin de l'Évangile.

 

Pourquoi est-ce ainsi ? Les piétistes sont des gens zélés, qui sont fidèles aux vérités bibliques. Ce sont des experts de la Bible qui mettent leur foi en pratique. Mais leur « travail pour le Seigneur » ne laisse pas assez de place à la vie intérieure. Sur le terrain d’un piétisme très actif, la découverte de l'amour de Jésus et de la présence du Saint-Esprit est comme une pluie fraiche pour les ouvriers fatigués. Un soupir de soulagement traverse les rangs, non seulement parce que le Christ est au centre de toute proclamation, mais que sa puissance et sa présence touchent et renouvellent réellement les cœurs fatigués.